VALUE PROPOSITION DESIGN, par A. OSTERWALDER, Y. PIGNEUR, G. BERNARDA et A. SMITH, aux éditions WILEY *****
Si je devais garder un seul livre dans ma bibliothèque, ce serait sans aucun doute celui-là!
En l’achetant, vous serez en fait l’heureux propriétaire d’une solution globale comprenant un livre, l’accès à une plateforme internet interactive, des canevas téléchargeables, des cours en ligne ainsi qu’une application de création de modèles d’affaires pour les équipes décentralisées. Bref, une offre étoffée digne de l’ère du numérique!
Tous les éditeurs et tous les marqueteurs rêvent sans aucuns doutes de pouvoir créer un tel service, regorgeant de valeur et de créativité, vécu comme une expérience unique et occasionnant un tel engouement de la part des clients.
Et si les auteurs ont réussi à répéter le succès du précédent ouvrage Business Model Generation déjà présenté dans ce blog, ce n’est de loin pas un hasard. Car ils ne se contentent pas de nous donner de bons conseils théoriques pour élaborer nos modèles d’affaires, ils l’ont également intégré puis appliqué avec succès, comme nous le prouve ce livre et l’offre qui l’entoure. Les auteurs se sont d’ailleurs donné la peine de nous dévoiler leur modèle d’affaires, à titre d’exemple, et ceci de manière transparente et honnête. Il faut se rendre à l’évidence que la méthodologie ainsi que l’état d’esprit qui l’accompagne sont diablement efficaces et performants.
Mais parlons du contenu de ce livre si génial. Actuellement disponible en anglais, c’est un cahier de 280 pages magnifiquement illustré favorisant une compréhension rapide et limpide des concepts proposés. Cette mise en page aérée et « design » inspire la créativité, ouvrant l’esprit à l’idéation. C’est la raison pour laquelle j’aime le parcourir comme une bande dessinée lorsque je dois ouvrir mon esprit à la réflexion.
Le cœur de cet ouvrage se trouve être le Value Proposition Canvas. Il s’agit en fait de deux nouveaux canevas qui complètent parfaitement le Business Model Canvas, en permettant d’approfondir et de détailler davantage la description de la proposition de valeur et de la segmentation client.
Comme pour le Business Model Canvas, l’idée est de se retrouver autour d’une grande feuille de papier imprimée avec le caneva, puis, équipé de stylos et de post-its, d’y inscrire les éléments clés dans les cases prévues, en se posant les questions idoines. Et pour les équipes décentralisées, l’application collaborative (payante) permettra de tenter l’expérience à distance.
Le premier des canevas proposé – la carte de valeur ou Value Map – se concentre sur la description de la proposition de valeur, en détaillant précisément le produit ou le service proposé. Cette carte de valeur se compose de trois segments:
- la description détaillée du produit ou du service, c’est-à-dire de ce que l’on offre au client;
- la description détaillée du comment le produit ou le service peut soulager les peines du client;
- la description détaillée du comment le produit ou le service peut créer des gains pour le client.
Le second canevas proposé – le profil client ou Customer Profile – se concentre sur la description du profil client, selon les trois segments suivants:
- la description détaillée des tâches menées par le client, c’est-à-dire ce qu’il essaye de faire dans le cadre de son travail ou de sa vie, selon le point de vue du client;
- la description détaillée des douleurs, des peines, des risques et des obstacles pouvant entraver les tâches que le client essaye de faire;
- la description détaillée des gains et des bénéfices que le client souhaite obtenir au travers des tâches qu’il souhaite accomplir.
Dans ce concept, on ne cherche plus à segmenter les clients de manière psychographique (opinions, styles de vie, attitudes, croyances et personnalités), mais plutôt par types de comportements axés sur les tâches et les activités effectuées par les clients, ainsi que sur les peines qu’il souhaite éviter et les gains qu’il souhaite obtenir. Cette approche est bien plus adaptée à la complexité et à l’instabilité actuelle de nos sociétés de services. Cette empathie est devenue nécessaire pour comprendre parfaitement ce que le client attend d’un produit ou d’un service particulier, en s’immergeant totalement dans sa tête et dans ses souliers.
La valeur de cette démarche se réalise entièrement lors de la mise en résonnance de ces deux diagrammes, le Value Map et le Customer Pofile. Il sera alors possible de contrôler si le produit ou le service proposé répond aux attentes du client, c’est-à-dire si le produit ou le service soulage les peines et les douleurs du client, tout en apportant les gains espérés. Pour vérifier cette parfaite résonnance, il est proposé de mettre des pastilles de couleur verte ou rouge sur les éléments clés répondant ou non à ces craintes ou aux bénéfices escomptés. Si l’on constate que les éléments clés du Value Map répondent à ceux du Customer Profile, ce sera alors le signal qu’il existe une opportunité commerciale et qu’il y aura de fortes chances pour que la proposition de valeur réponde aux attentes du marché.
Toutefois, après cette première étape, il faudra encore intégrer cette analyse, ou disons plutôt ces deux diagrammes, dans le Business Model Canevas, afin de vérifier la pertinence globale du modèle d’affaires étudié. Plusieurs itérations seront probablement nécessaires pour trouver la bonne solution, avec plusieurs propositions de produits ou de services ainsi que plusieurs identifications de comportements clients.
Cette méthode peut être utilisée selon les deux possibilités de recherche d’un modèle d’affaires: la méthode « push » qui consiste à trouver un marché dans lequel pousser sa proposition de valeur, ou la méthode « pull » qui consiste à trouver le produits ou le service répondant à un besoin identifié du marché. Les deux approches conviennent parfaitement au Value Proposition Design.
Mais ce livre ne s’arrête pas là. Il propose également des méthodes de conception et d’ébauche de produits et de services innovantes, adaptées à l’environnement actuel de nos entreprises, comme le prototypage, la réalisation de croquis ou encore le fameux MVP (Minimum Value Proposition) présenté par Eric RIES dans son livre THE LEAN STARTUP, déjà présenté dans ce blog. Toutes ces méthodes permettent de tester rapidement les hypothèses émises sur le marché, avec des clients réels, en procédant par étapes et à moindre coût. Le but étant de réduire les risques et de tuer rapidement toutes les « fausses bonnes » idées, en perdant un minimum d’argent lorsque le marché ne répond pas aux attentes. En effet, comme l’offre de produits et de services est devenue exagérément abondante dans nos sociétés de consommation, il est devenu pratiquement impossible de faire juste du premier coup. Alors autant intégrer cette contrainte dans sa recherche de création de valeur au lieu de la considérer comme une fatalité!
On trouvera encore dans ce livre des techniques pour sonder les clients, des cartes de test et de sélection d’idées ou encore des cartes pour archiver les leçons apprises. Un vrai panel de solutions pour nous aider à créer et solidifier nos modèles d’affaires, sur une base ludique et récréative afin de mieux réveiller l’enfant qui sommeille en nous.
J’ai testé ces méthodes à de nombreuses reprises, seul ou en groupe, avec des personnes expérimentées ou non. Et à chaque fois les résultats arrivent au-delà de mes espérances, grâce à la valeur des outils proposés et à la démarche pertinente suggérée. Je les utilise autant pour créer des modèles d’affaires à partir d’une page blanche que pour améliorer un service existant.
Parmi toutes ces éloges, je garde toutefois une réserve par rapport à la solution proposée pour définir le contexte externe du business, c’est-à-dire pour ce qui est encapsulé dans les 5 forces de Porter et de l’analyse PESTEL. Certes, les auteurs proposent une solution pour utiliser l’espace autour du Business Model Canvas, comme expliqué dans le cahier explicatif The Business Model Design Space, téléchargeable sur le site web. Les 4 espaces se trouvant autour du rectangle du Business Model Canvas sont alors utilisés pour représenter respectivement les forces de l’industrie, les forces du marché, les tendances clés et les forces marco-économiques. Mais je reste sur ma fin. Je pense qu’il y a beaucoup à mieux à faire et que l’équipe qui a travaillé sur ces deux livres pourrait nous proposer une méthode et un canevas « disruptifs », digne de ce qu’ils nous ont démontrés jusque-là. Ils ont mis la barre tellement haut que j’en attends encore beaucoup de leur part. Alors au travail 😉
En conclusion, je vous incite vivement à acheter et à lire attentivement cet ouvrage ainsi que son grand frère le Business Model Canvas. Et j’espère par-dessus tout que les auteurs continueront à mettre leurs talents et leur créativité au service du développement de nos entreprises et de nos manières de penser la création de valeur. Excellente lecture à vous!
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